Convention familiale (1444)
Ce document - issu d'archives privées - est l'expédition sur parchemin d'une convention passée le 6 mai 1444 à Saint-Florentin (Yonne) entre Pierre Aubert, écuyer, et sa belle-famille.
Par contrat de mariage du même jour, Pierre Aubert avait épousé Marguerite du Bruillac [1], fille de messire Gaucher du Bruillac, chevalier seigneur de Coursan [2], et de madame Agnès de La Granche [3]. La future épouse avait reçu en dot "la terre, seignorie, chastel, droiz et appartenances de La Granche", aujourd'hui La Grange-Bléneau, domaine assez considérable situé au sud de Rozay-en-Brie (Seine-et-Marne) [4].
Par la convention qui suit, Pierre Aubert se voit gratifié, dans l'éventualité où son épouse viendrait à mourir sans enfant avant lui, d'une rente annuelle et viagère de 100 livres tournois. En contrepartie, les donateurs - Gaucher du Bruillac et Agnès de La Granche - se réservent la faculté de se retirer jusqu'à la fin de leurs jours à La Granche, dans le cas où ils seraient contraints de quitter leur château de Coursan, "par fortune de guerre, de feu ou d'autre accidant".
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[1] Alias du Bruillat, de Bruillart, de Bruillard.
[2] Coursan-en-Othe (Aube).
[3] Alias de La Grange.
[4] Paroisse de Courpalay (Seine-et-Marne). Très remanié au XVIIIe siècle, le château de La Grange-Bléneau fut la propriété du marquis de La Fayette de 1802 à 1834.
Du point de vue paléographique, l'écriture est tout à fait représentative de la gothique cursive plutôt soignée (c'est une expédition) du milieu du XVe siècle. Les lettres sont régulières et bien formées. En revanche, les abréviations sont nombreuses.
Convention du 6 mai 1444 : transcription
Expédition sur parchemin. Largeur 305 mm x hauteur 233 mm.
« A tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Gaultier Bonnot, garde du seel de la prevosté de Saint Florentin, salut. Savoir faisons que pardevant /2 Jehan Dubois, tabellion, et Gauchier Paysant, clers jurez et establiz à ce faire audit Saint Florentin et ès appartenances, de par le Roy nostre dit sire et de /3 par madame la duchesse en Baviere, comtesse de Mortaing, vint presens personnellement noble homme Pierre Aubert, escuier d'escuerie /4 du Roy nostre sire, disans et affermans que nagueres en traictant le mariaige de lui et de damoiselle Marguerite du Bruillac, fille de /5 messire Gauchier du Bruillac, chevalier seigneur de Coursan, et de madame Agnès de La Granche, sa femme, entre les autres convenances iceulx chevalier /6 et dame, tant en leurs noms comme eulx faisans fors de Claude du Bruillac, leur filz, et de ladite Marguerite, leur fille, ayent baillé et delaissé /7 par maniere de partaige à ladite Marguerite, leur fille, en propre heritaige après leur deceps, la terre, seignorie, chastel, droiz et appartenances de la /8 Granche alencontre de toutes leurs autres terres, seignories et biens meubles et immeubles qui demourront pour la part et porcion dudit /9 Claude, selon ce et par la maniere plus à plain declairée ès lettres du traictié dudit mariaige sur ce faictes et passées entre lesdites parties soubz /10 ce mesme seel du jour et date de ces presentes. Et pour avoir la vie et norrissement de ladite Marguerite leurs vies durans, lui ont /11 baillez, transportez et delaissez dès maintenant touz les fruiz, prouffiz et esmolumens d'icelle terre de la Granche ainsy qu'il est contenu /12 plus à plain esdites lettres. Et en oultre par autres lettres et appoinctemens qui ont esté passez desdiz chevalier et dame au prouffit dudit Pierre Aubert /13 soubz ce mesme seel le jour et date de ces presentes et pour les causes contenues en icelles, ayent lesdiz chevalier et dame volu, consenti, /14 promis et accordé audit Pierre que ou cas que ladite Marguerite du Bruillac, leur fille, yroit de vie à trespassement devant lui sans hoir procréé /15 dudit mariaige, que icellui Pierre demeure sa vie durant en ladite place de la Granche. Et avecques ce qu'il lieve et prenne la somme /16 de cent livres tournois de terre, rente ou pension annuelle chacun an sadite vie durant seulement, ou jusques ad ce qu'il soit restitué entierement /17 de la somme de mil livres tournois et des arreraiges d'icelle pension saucuns en estoient deuz, et que après sadite mort ou restitution de /18 ladite somme faicte à sa vie, ladite rente ou pension demeurra nulle, ainsy et par la maniere qu'il est contenu plus à plain esdites lettres. Et /19 il soit ainsy que obstant lesdites promesses et assignacions, iceulx chevalier et dame feussent en doubte qu'il advenoit, que Dieu ne /20 vuille, qu'il les conveinst departir dudit lieu de Coursan par fortune de guerre, de feu ou d'autre accidant, ilz ne sauroient /21 plus où eulx loiger ne retraire sy non par danger d'autruy, pour ce est il que ledit Pierre Aubert, voulans ad ce /22 obvier, a recongneu et confessé de sa pleine et liberale volenté, sans force ou contraincte, avoir volu, consenti, promis et accordé /23 et, en la presence desdiz jurez, veult, consent, promet et accorde ausdiz chevalier et dame que se par aucun accidant, quelque il soit, il /24 leur convient de laisser ledit lieu de Coursan, qu'ilz et ung chacun d'eulx aient leur demeurance pour leur estat et gouvernement /25 durant leurs vies en ladite place et forteresse de la Granche, sans avoir aucun droit ès revenues. Et avecques ce que durant /26 icelles vies desdiz chevalier et dame, lui ne ladite Marguerite, leur fille, ne porront vendre, aliener, engaiger, obliger ne ypothecquer /27 icelle terre et appartenances de la Granche par quelque moyen que ce soit. Car ainsy l'a il volu, consenty, promis et accordé par devant lesdiz /28 jurez, promettans par sa foy pour ce corporellement touchée et sur l'obligacion de touz ses biens et des biens de ses hoirs meubles /29 et immeubles presens et advenir, lesquelx quant à ce il a soubzmis et obligiez à toutes juridicions quelzconques pour estre contrains à tenir, /30 garder, enteriner, acomplir et avoir fermes, estables et aggreables à tousjours les choses dessus dites en la maniere divisée sans /31 deffaillir ne contrevenir et à rendre et restituer tous coustz et despens par ce deffault euz ou soustenuz au simple serment du /32 pourteur de ces lettres. Et renonça en ce fait par sadite foy à toutes excepcions, decepcions, cautelles, cavillacions, allegacions à touz /33 droiz escriptz et non escriptz, à touz us et coustumes de pays et de lieux, et generalment à toutes autres choses quelzconques qui l'en porroit /34 opposer contre ces lettres ou leur teneur. En tesmoing de ce, nous au rapport desdiz jurez, avons seellé ces lettres du seel /35 et contreseel de ladite prevosté. Ce fut fait et donné le sixiesme jour de may, l'an de grace mil et quatre cens quarente /36 et quatre. »
Ainsi signé : J. Dubois, tabellion, avec paraphe / G. Paysant, clerc juré, avec paraphe.
A cette première pièce est attachée la ratification faite par Marguerite du Bruillac :
Ratification du 6 décembre 1444 : transcription
Expédition sur parchemin. Largeur 305 mm x hauteur 143 mm.
« A tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Gaultier Bonnot, garde du seel de la prevosté de Saint Florentin, salut. Savoir faisons /2 que pardevant Jehan Dubois, tabellion, et Gauchier Paysant, clers jurez et establiz à ce faire audit Saint Florentin et ès appartenances, de par /3 le Roy nostre dit sire et de par madame la duchesse en Baviere, comtesse de Mortaing, vint et fut presente personnellement noble /4 damoiselle madamoiselle Marguerite du Bruillat, femme de noble homme Pierre Aubert, escuier, licentiée et auctorisée /5 suffisamment par ledit Pierre, son mari, laquelle licence et auctoricté elle prinst et receut en elle aggreablement par devant /6 lesdiz jurez quant à faire passer, consentir et accorder ce qui s'ensuit. Et recongnut de sa pleine volenté, sans force ou /7 contraincte, avoir louez, greez, consentiz, appoinctez, ractiffiez et accordez et en la presence desdiz jurez loue, gree, consent, /8 approuve, ractiffie et accorde à noble homme messire Gauchier du Bruillac, chevalier seigneur de Coursan et de la Granche, /9 son pere, les promesses, consentemens, traictiez et appoinctemens à lui promis et accordez par ledit Pierre Aubert, son mary, /10 selon ce et par la forme et maniere plus à plain declairée ès lettres d'iceulx accors et consentemens parmi lesquelles /11 ces presentes sont infixées. Et a promis par sa foy pour ce corporellement touchée et sur l'obligacion de touz ses /12 biens et des biens de ses hoirs meubles et immeubles presens et advenir, lesquelx quant à ce elle, de l'auctorité que dessus, /13 a soubzmis et obligez à toutes juridicions pour estre contraincte à tenir, garder et avoir ferme, estable et aggreable à tousjours /14 ceste presente ractifficacion et tout le contenu en ces presentes sans jamais venir ne faire venir encontre, et à rendre et restituer /15 touz coustz, fraiz, missions et despens par ce deffault euz ou soustenuz, rendre et restituer au simple serment du pourteur /16 de ces lettres. Et renonça en ce fait par sadite foy à toutes excepcions et decepcions de fraude, barat, malice, malengin et /17 d'oultre la moitié de juste pris, à touz droiz escriptz et non escriptz, à touz us et coustumes de pays et de lieux, à touz privileiges /18 introduiz à la faveur des femmes, et generalment à toutes aultres choses quelzconques qui l'en pourroit opposer contre ces lettres /19 ou leur teneur. En tesmoing de ce, nous au rapport desdiz jurez, avons seellé ces lettres du seel et contreseel de ladite /20 prevosté. Ce fut fait et donné le sixiesme jour de decembre, l'an de grace mil quatre cens quarente et /21 quatre. »
Ainsi signé : J. Dubois, tabellion, avec paraphe / G. Paysant, clerc juré, avec paraphe.