Du texte manuscrit ... à sa transcription
Voici, à titre d'exemple, un contrat de mariage de 1544. Le clerc de notaire a voulu aller vite et, sous l'effet de la rapidité du déplacement de la plume, l'écriture est devenue très cursive : les lettres - voire les syllabes entières - ne sont que suggérées et les mots sont parfois reliés entre eux. De nombreuses abréviations et notes tironiennes viennent encore renforcer la difficulté de la lecture de ce document. Ce type d'écriture est cependant très courant aux XVIe et XVIIe siècles.
Archives nationales, Minutier central, VIII-166, fol. 97 v°, 10 octobre 1544

La transcription intégrale restitue en principe le texte ligne à ligne :
« Furent presens en leurs personnes Jehan Vicaire, praticien [1], demourant
à Paris, pour luy en son nom, d'une part, et Marguerite
Aubourg, fille de feu Me André Aubourg, en son
vivant procureur ou Chastelet de Paris, et de Françoise Boucquet,
jadis sa femme, ses pere et mere, pour elle en son nom,
d'autre. Lesquelles parties de leurs bons grez, [renvoi en marge *][2] recongnurent
et confesserent, en la presence et pardevant les notaires soubzsignez,
avoir faict, feirent et font par entre eulx les
traictez, accordz, dons, douaires, promesses et convenances
qui s'ensuivent pour raison du mariage qui, au plaisir de
Dieu, sera de brief faict et solempnisé en face
de Ste Eglise d'eulx deux le plus brief que bonnement
faire se pourra et qu'il sera advisé entre eulx, leurs
parens et amys si Dieu et nostre Mere Ste Eglise
s'y accordent, aux droitz et biens qui auxdictes
parties apartiennent. Et moyennant ce, ledict Jehan Vicaire
a doué et doue ladicte Marguerite Aubourg, sa future
espouze, du douaire coustumier [3] aux us et coustumes de
Paris, ou de la somme de [biffé : cinquante] [en interligne : cent] livres tournois pour une
foys payer [4], à son choix et eslection. A icelluy douaire,
soit prefix [5] ou coustumier, avoir et prendre par elle
sitost que douaire aura lieu generallement sur tous ses heritages
et biens qu'il en a chargez et ipotecquez dès à present. Et sy
elle choisist ledict douaire prefix, luy demourera et
aux siens sans retour, pourveu qu'il n'y ayt enffant
[en interligne : ou enffans] dudict mariage vivans au jour que ledict douaire aura lieu [renvoi en marge **][6]
[biffé : Item sy] a esté accordé entre eulx en [biffé : faveur] traitant ledict
mariage que se ledict Jehan Vicaire va de vie à
trespas avant ladicte Marguerite, soit qu'il y ayt enffans
ou non vivans au jour dudict decedz, il sera au choix
et obtyon d'icelle Marguerite prandre droit de
communaulté des biens meubles, debtes, creances,
heritages et possessions immeubles qui demoureront de
son decedz, ou renoncer à icelle communaulté et, en ce
faisant, elle ne sera tenue payer aucunes debtes ne
ypotecques, mais aura seullement ledict douaire tel que dessus
est declaré avec ses robbes, habillemens, bagues,
agneaulx [7] et autres choses servans à son corps et usage.
Car ainsy a esté accordé entre eulx. Promectans etc. Obligeans
chacun endroit soy etc. Renonceans etc. Faict et passé double l'an mil
Vc XLIIII, le vendredi Xe jour d'octobre. »
renvoi en marge * :
« en la presence, du
voulloir et consentement
de ladicte Françoise
Boucquet, »
renvoi en marge ** :
« Item a esté accordé
entre eulx que sy ladicte
Marguerite va de vie à
trespas avant ledict Jehan
Vicaire, et que au jour
d'icelluy trespas il n'y ayt
enffans ou enffant vivans
dudict mariage, en ce
cas il aura et prendra
par preciput [8] et avant que
faire aucun partage sur tous
les biens meubles et
immeubles qui demoureront
de son decedz la
somme de quatre
vingtz livres tournois
pour une foys
payer, qui luy demourera
sans retour. Et
pareillement a esté
encores »
Ainsi signé : Boissellet, notaire, avec paraphe / Brahier, notaire, avec paraphe.
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[1] Praticien : personne ayant reçu une formation juridique, mais n’ayant pas encore acquis un office (notaire, avocat, procureur…).
[2] Cf. infra, avant les signatures.
[3] Douaire coutumier : usufruit attribué selon les dispositions coutumières à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[4] Pour une fois payer : en un seul paiement (capital), et non sous forme de rente annuelle.
[5] Douaire préfix : usufruit attribué selon la clause du contrat de mariage à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[6] Cf. infra, avant les signatures.
[7] Corruption de anneaux (bagues).
[8] Préciput : ici, droit reconnu à l’époux survivant de prélever, avant tout partage, une somme déterminée et/ou des meubles sur les biens de la communauté.
L'orthographe d'origine est fidèlement respectée dans la transcription, alors que la ponctuation est rétablie suivant nos normes actuelles. Un appareil critique explicite les mots et locutions anciens et donne, le cas échéant, des repères géographiques, historiques ou biographiques.
&
Mais la transcription intégrale peut aussi faire l'objet d'une autre mise en forme : le texte est justifié et y sont insérés, à la place qui leur revient, les additions ou corrections que le scripteur a portées en marge :
« Furent presens en leurs personnes Jehan Vicaire, praticien [1], demourant à Paris, pour luy en son nom, d'une part, et Marguerite Aubourg, fille de feu Me André Aubourg, en son vivant procureur ou Chastelet de Paris, et de Françoise Boucquet, jadis sa femme, ses pere et mere, pour elle en son nom, d'autre.
Lesquelles parties de leurs bons grez, en la presence, du voulloir et consentement de ladicte Françoise Boucquet [2], recongnurent et confesserent, en la presence et pardevant les notaires soubzsignez, avoir faict, feirent et font par entre eulx les traictez, accordz, dons, douaires, promesses et convenances qui s'ensuivent pour raison du mariage qui, au plaisir de Dieu, sera de brief faict et solempnisé en face de Ste Eglise d'eulx deux le plus brief que bonnement faire se pourra et qu'il sera advisé entre eulx, leurs parens et amys si Dieu et nostre Mere Ste Eglise s'y accordent, aux droitz et biens qui auxdictes parties apartiennent.
Et moyennant ce, ledict Jehan Vicaire a doué et doue ladicte Marguerite Aubourg, sa future espouze, du douaire coustumier [3] aux us et coustumes de Paris, ou de la somme de [biffé : cinquante] [en interligne : cent] livres tournois pour une foys payer [4], à son choix et eslection. A icelluy douaire, soit prefix [5] ou coustumier, avoir et prendre par elle sitost que douaire aura lieu generallement sur tous ses heritages et biens qu'il en a chargez et ipotecquez dès à present. Et sy elle choisist ledict douaire prefix, luy demourera et aux siens sans retour, pourveu qu'il n'y ayt enffant [en interligne : ou enffans] dudict mariage vivans au jour que ledict douaire aura lieu.
Item a esté accordé entre eulx que sy ladicte Marguerite va de vie à trespas avant ledict Jehan Vicaire, et que au jour d'icelluy trespas il n'y ayt enffans ou enffant vivans dudict mariage, en ce cas il aura et prendra par preciput [6] et avant que faire aucun partage sur tous les biens meubles et immeubles qui demoureront de son decedz la somme de quatre vingtz livres tournois pour une foys payer, qui luy demourera sans retour. Et pareillement a esté encores [7] [biffé : Item sy] a esté accordé entre eulx en [biffé : faveur] traitant ledict mariage que se ledict Jehan Vicaire va de vie à trespas avant ladicte Marguerite, soit qu'il y ayt enffans ou non vivans au jour dudict decedz, il sera au choix et obtyon d'icelle Marguerite prandre droit de communaulté des biens meubles, debtes, creances, heritages et possessions immeubles qui demoureront de son decedz, ou renoncer à icelle communaulté et, en ce faisant, elle ne sera tenue payer aucunes debtes ne ypotecques, mais aura seullement ledict douaire tel que dessus est declaré avec ses robbes, habillemens, bagues, agneaulx [8] et autres choses servans à son corps et usage.
Car ainsy a esté accordé entre eulx. Promectans etc. Obligeans chacun endroit soy etc. Renonceans etc. Faict et passé double l'an mil Vc XLIIII, le vendredi Xe jour d'octobre. »
Ainsi signé : Boissellet, notaire, avec paraphe / Brahier, notaire, avec paraphe.
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[1] Praticien : personne ayant reçu une formation juridique, mais n’ayant pas encore acquis un office (notaire, avocat, procureur…).
[2] Le passage « en la presence … Boucquet » est ajouté en marge.
[3] Douaire coutumier : usufruit attribué selon les dispositions coutumières à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[4] Pour une fois payer : en un seul paiement (capital), et non sous forme de rente annuelle.
[5] Douaire préfix : usufruit attribué selon la clause du contrat de mariage à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[6] Préciput : droit reconnu à l’époux survivant de prélever, avant tout partage, une somme déterminée et/ou des meubles sur les biens de la communauté.
[7] Le passage « Item a esté accordé … a esté encores » est ajouté en marge.
[8] Corruption de anneaux (bagues).
Cette mise en forme est celle de l'édition des textes anciens.
&
Enfin, ce document peut aussi faire l'objet d'une analyse détaillée :
10 octobre 1544 – Contrat de mariage entre Jehan Vicaire [1], praticien demeurant à Paris, d'une part, et Marguerite Aubourg, fille de défunt Me André Aubourg, vivant procureur au Châtelet de Paris, et de Françoise Boucquet, jadis sa femme, à ce présente et consentante, d'autre part. – Le mariage sera solennisé en face de Sainte Eglise le plus brièvement que faire se pourra. – Les futurs époux se marient avec leurs droits et biens. – Douaire coutumier [2] aux us et coutumes de Paris ou douaire préfix [3] de 100 livres tournois en capital, au choix de la future épouse. – Si Jehan Vicaire survit à Marguerite Aubourg, et en l'absence d'enfants vivants issus du mariage, il reprendra par préciput [4] et avant partage la somme de 80 livres tournois en capital. Dans le cas contraire, qu'il y ait ou non des enfants vivants issus du mariage, Marguerite Aubourg aura le choix d'accepter la communauté ou d'y renoncer : en cas de renonciation, elle ne sera pas tenue des dettes et hypothèques de la communauté, mais ne jouira que de son douaire et ne pourra reprendre que les habits, bagues et joyaux à son usage.
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[1] Praticien : personne ayant reçu une formation juridique, mais n’ayant pas encore acquis un office (notaire, avocat, procureur…).
[2] Douaire coutumier : usufruit attribué selon les dispositions coutumières à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[3] Douaire préfix : usufruit attribué selon la clause du contrat de mariage à la veuve sur les biens de son défunt mari.
[4] Préciput : droit reconnu à l’époux survivant de prélever, avant tout partage, une somme déterminée et/ou des meubles sur les biens de la communauté.
Les transcriptions de manuscrits de l'époque moderne (XVe-XVIIIe siècle) que je réalise obéissent, à quelques adaptations près (accentuation), aux règles énoncées dans l'ouvrage suivant, publié avec le concours scientifique de l'Ecole nationale des Chartes :
Bernard Barbiche et Monique Chatenet (dir.), L'édition des textes anciens, XVIe-XVIIIe siècle, Paris (L'inventaire, collection Documents & Méthodes), 1993. Voir la bibliographie.